On se croirait dans un de ces mystères archéologiques à la Indiana Jones, forcément en lien avec un mythe ou une légende célèbre. Il y a 139 ans était découverte une frise de 29 mètres de long comportant des inscriptions louvites, une langue ancienne d’Anatolie. Le peuple qui la parlait aurait vécu à l’Âge du bronze en Asie mineure, à la même époque que les civilisations hittite et mycénienne. Selon les spécialistes, les Louvites ne seraient autre que les mystérieux Peuples de la mer qui déferlèrent sur la région méditerranéenne vers la fin de l’Âge de bronze, modifiant ainsi le paysage géopolitique.
Les fameuses inscriptions sont longtemps restées indéchiffrables. Mais voilà que le linguiste Fred Woudhuizen et le président de la Luwian Studies Foundation Eberhard Zangger viennent d’annoncer que ce texte a enfin été traduit. La frise relaterait l’histoire du royaume de Mira, et comment ses souverains successifs devinrent les protecteurs de Troie, désignée ici sous l’ancien nom de Wilusa. Si cette traduction s’avère correcte, elle abonderait dans le sens des hypothèses défendues par Zangger et les chercheurs de la Luwian Studies Foundation pour qui Troie a non seulement existé mais faisait partie du monde louvite. De fait, Zangger a émis la théorie que la guerre de Troie aurait réellement eu lieu et aurait été le point culminant d’un conflit opposant les Louvites aux Mycéniens pour le contrôle des routes commerciales et de l’accès aux ressources dans l’Est méditerranéen. Cette guerre aurait été une réponse à l’invasion initiale des Peuples de la mer.
Aussi séduisante que soit cette théorie, qui flatte l’imaginaire occidental en donnant une assise historique aux épopées d’Homère, elle s’est cependant heurtée au scepticisme de nombreux archéologues qui estiment que la mise à jour de preuves monumentales, architecturales et textuelles demeure encore nécessaire pour confirmer ces hypothèses. La traduction de la frise louvite pourrait donc servir de biais de confirmation.
Cependant son authenticité est également en débat. En effet, la frise elle-même est une copie retrouvée dans les documents de l’archéologue britannique James Mellaart, disparu en 2012, et qui aurait été réalisée d’après modèle par Georges Perrot en 1878. La pierre gravée originale aurait été détruite au XIXe siècle. Par conséquent, il est impossible de déterminer si la copie peut être considérée comme un document fiable, et n’est pas, comme certains l’ont suggéré, un faux. À ceci Woudhuizen et Zangger ont déjà répondu que la langue louvite, langue disparue depuis des siècles, est trop peu connue pour qu’il soit vraisemblable que quelqu’un ait pu être capable d’écrire un récit aussi long dans cet idiome à l’époque moderne.
Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute que cette découverte et tout ce qui entoure la supposée civilisation louvite pourraient inspirer bien des romanciers.
Viviane Bergue