Dans les romans originaux du Trône de fer de George R. R. Martin, le dothraki, parlé par un peuple de guerriers nomades, n’existe que sous la forme de quelques phrases. C’est bien insuffisant pour les créateurs de l’adaptation télévisée qui décident d’embaucher le linguiste américain David J. Peterson pour développer une véritable langue dans laquelle les acteurs interprétant les Dothrakis pourront s’exprimer. Peterson s’inspire entre autres du turc, du swahili, du russe, de l’inuktitut et de l’estonien pour lui donner vie. Le résultat est bluffant, à tel point que l’on en oublie presque qu’il s’agit d’une pure construction artificielle. Et l’immersion dans l’univers de George R. R. Martin est ainsi totale.
Par la suite, Peterson développe également pour les besoins de la série les langues valyriennes, à peine entrevues dans le Trône de fer, en s’inspirant cette fois davantage du latin.
Mais ce ne sont pas là les seules incursions du linguiste dans le domaine de la création de langues imaginaires. En effet Peterson est aussi à l’origine des langues extra-terrestres de la série de Science-fiction Defiance, du shiväisith parlé par les Elfes Noirs dans Thor : Le Monde des Ténèbres, et du sondiv dans la série Star-Crossed. Et à lire son CV, on se rend compte que la création linguistique a de l’avenir et peut être bien plus qu’un passe-temps pour linguiste farfelu.
The Art of Language Invention
En 2007, Peterson co-fonde la Language Creation Society, dont le but est de promouvoir les langues construites et, de façon plus générale, la création de langues, notamment en permettant aux créateurs de langues (conlangers en anglais) de publier leurs travaux, en attirant l’intérêt du grand public, et en mettant en contact les créateurs de langues avec ceux qui travaillent dans le domaine de l’industrie du divertissement et souhaitent donner plus de profondeur à leurs mondes alternatifs.
Par « langues construites » (conlangs) ou encore « langues artificielles », l’organisation entend aussi bien les langues imaginaires créées dans le cadre d’une œuvre de fiction que celles créées pour fournir une langue internationale, tel l’esperanto.
La section Fiat Lingua du site de la Language Creation Society propose de nombreux articles en anglais qui raviront ceux qui s’intéressent à la question. De la description de ces nombreuses créations linguistiques à l’intérêt qu’il peut y avoir pour le linguiste à s’adonner à ce type de passe-temps, tous les aspects de la création de langues artificielles sont abordés.
Plus récemment, Peterson a publié The Art of Language Invention, aux éditions Penguin. Véritable petit guide de la création linguistique, l’ouvrage retrace l’histoire de celle-ci, depuis Tolkien jusqu’aux inventions plus récentes, en particulier celles de l’auteur. Il offre également les bases pour inventer à son tour de nouvelles langues. Avis aux amateurs !
Viviane Bergue